14 Août 2013
Le massif de la Nerthe classé, les containers menacent toujours
Bien moins médiatique que le parc des calanques au sud, le massif de la Nerthe s'est lui aussi vu classé fin juin par le Ministère du développement durable. En revanche, les questions marseillaises de stockage de containers sont écartées.
"Un désordre fou de montagnes pelées, de rochers abrupts, de ravines, de crêtes, de plis d’ombre".
La Côte Bleue et le massif de la Nerthe n'ont guère changé depuis la phrase de Blaise Cendrars, même soixante ans après. S'étendant de l'Estaque à Carry-le-Rouet, cette petite chaîne de collines surplombant la Méditerranée a été en partie épargnée par l'urbanisation. Celle-ci devrait être encore plus limitée à l'avenir grâce à l'intégration du massif dans la liste des sites classés par le ministère du développement durable. Une partie de la zone était déjà classée Natura 2000, apportant ainsi une première reconnaissance de la richesse biologique du site. Désormais, le périmètre est plus large et la protection plus accentuée. Mais les enjeux marseillais autour de l'urbanisation de la colline n'en sont pas réglés pour autant.
Près de 5000 hectares protégés
Ce projet de protection du massif était dans les cartons depuis plusieurs années. Le travail d'enquête et de consultation du public a eu lieu dès 2010. L'année suivante, la ministre de l'époque, Nathalie Kosciusko-Morizet, en visite dans la région, avait fait part de sa volonté de voir les collines protégées. Depuis juin, et sans grand effet d'annonce, 4 965 hectares ont donc été classés par le Ministère du développement durable. Au titre de leur caractère "pittoresque", les collines de la Nerthe rejoignent ainsi 2680 sites classés (au 1er janvier 2013), représentant 4% du territoire national. Mais quelles sont les implications de ce nouveau statut ? Leur contour est assez flou. Selon le code de l'environnement, l'Etat doit veiller à "la conservation en l’état (entretien, restauration, mise en valeur... ) et la préservation de toutes atteintes graves (destruction, altération, banalisation...)" de ces espaces. Ainsi, il doit donner son accord pour toute modification du paysage. Tout projet est alors "soumis à autorisation spéciale préalable du Ministère chargé des sites, après avis de la Dreal, du Service départemental de l’architecture et du patrimoine (Sdap) et de la Commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS). L’autorisation est déconcentrée au niveau du Préfet de département pour les travaux moins importants".
Dans la mesure où cette autorisation concerne également les projets immobiliers, une classification écarte a priori tout projet intempestif de marina qui aurait pu venir profiter de la vue exceptionnelle. Les noyaux d'habitation du Rove et de Niolon sont quant à eux exclus de la zone protégée. C'est également le cas de la partie marseillaise de la Nerthe, où les riverains mènent un combat de longue haleine contre plusieurs projets de réhabilitation de carrières et, plus grave, de stockage de containers. Pour eux, ces collines et le lac qui a pris la place d'une ancienne carrière devraient être offerts à l'usage collectif des Marseillais. Ce n'est pas par le classement récent que cet avenir radieux sera réalisé.
En catimini
"Nous n'avons pas été informés que le décret avait été pris, explique Marie-Blanche Apercé, la présidente du comité d'intérêt de quartier des Hauts de l'Estaque, à moitié surprise par ce classement intervenu en catimini. On savait que c'était en cours mais il n'y a pas eu d'affichage sur place". Elle ne s'étonne pas non plus que les terres appartenant à Lafarge ne soient pas incluses dans la zone protégée. En effet, ce classement est conforme au plan local d'urbanisme (PLU), qui prévoit à la fois une nouvelle route reliant les carrières à l'A55 et des terrains susceptibles d'accueillir les containers du port. A ce propos, côté politique, les avis divergent.
De fait, l'ensemble de cette zone est propriété du groupe Lafarge depuis plusieurs décennies. Il y a exploité et y exploite encore plusieurs carrières. Son activité principale aujourd'hui est le stockage des déchets inertes pour lequel il possède un permis de 15 ans. Si les collines de la Galline ont repris un aspect naturel, c'est encore un site industriel qui doit trouver un juste équilibre entre son développement et son environnement naturel. "A Lafarge, nous soutenons depuis des années le projet de la construction d'une desserte via l'A55, qui éviterait à nos camions de prendre l'autre chemin [qui rejoint les carrières à partir des Pennes Mirabeau par la colline,ndlr] qui est plus long et plus dangereux", rappelle Sébastien Haug, responsable foncier & environnement de Lafarge, ajoutant : "Il y a un intérêt en termes de sécurité et de pollution". Pour les riverains de la Nerthe, cette route serait un aspirateur à camions et à containers.
Concernant le lac, la position du cimentier n'a guère évolué. "Il est toujours question de remblayer une partie du lac avec des déchets inertes, mais cette opération n'a pas encore commencé", commente Sébastien Haug. Pour ce qui est des containers, si des terrains sont prévus pour eux dans le PLU, rien n'a encore été formellement décidé et signé entre le Port et le fabricant de granulats. A quelques mois des municipales, le sujet est trop délicat pour être brutalement tranché.
Un peu plus loin justement, les chèvres du Rove attendent encore que leur brousse soit reconnue à leur tour par une appellation d'origine contrôlée.