Il y a ceux qui sont venus par hasard, touristes sur les traces de Cézanne et Braque. Ou ceux encore qui profitent des derniers beaux jours d’été pour déguster quelques panisses sur le front de mer. Ils sont rentrés par hasard, attirés par ces portraits grand format que Vincent Sarazin brosse de Tignous, tombé sous les balles de ces sinistres caricatures que sont les islamistes et en règle générale tous les obscurantistes dont nous avons, dans ces quartiers Nord, quelques beaux spécimens bien vivants.
Touristes ou pas, ce quatrième festival international du dessin de presse, de la caricature et de la satire aura attiré beaucoup de monde. Est-ce l’esprit Charlie qui plane encore sur l’Estaque ? « Oui », assure Isabelle qui a joint l’utile à l’agréable. « J’ai collé mes enfants à l’atelier de dessin, là je suis sûre qu’ils ne vont pas broncher, tandis que je pourrai m’assurer que la révolte, même grinçante, n’est pas une idée tombée dans les oubliettes. »
Isabelle sera bien vite convaincue qu’aucune menace, aucune arme ne pourront empêcher de rire ensemble et de vivre ensemble, souhait profond de Fathy Bourayou, initiateur de cette manifestation, et de tous les organisateurs d’un festival où les jeunes des quartiers ont toute leur place. Et ils sont bien là, Ali et Zohra, Sergio et Mercedès, ces voisins de toujours, qui ont grandi au pied du même immeuble, vécu les mêmes galères. « Je dis pas qu’on est toujours d’accord, souffle Mercedès, mais au moins on discute de ce qui peut choquer l’un ou l’autre d’entre nous. Et au bout du compte, on finit toujours par en rigoler. »
En guest star, Liza Donnely, du New Yorker cartoonist, expose des dessins d’une grande finesse où la situation des femmes dans les pays du Moyen Orient est omniprésente. Des dessins qui font curieusement écho à ce que vivent nombre de nos sœurs dans ces pays que nous disons développés. Algériens, Tunisiens et Marocains ont aussi répondu à l’invitation de Fathy. Ainsi que des Argentins, des Syriens ou des Russes.
Allez, un petit coup de griffe aux dessinateurs français qui ne se sont pas saisis, à quelques exceptions près, de l’actualité de ce pays et notamment de la montée du Front national. Cela aurait sûrement fait rigoler Ali et Mercedès, Zohra et Sergio.
La Marseillaise du 21 septembre 2015 - Gérard Lanux